C'était un mois de Novembre comme on les aime. La pluie pleurait son désespoir sur toute la ville, n'épargnant rien ni personne. Etienne rentrait du travail. Même
itinéraire, même sale journée. Une fois de plus il venait de rater son bus. L'heure c'est l'heure chez Transpole, on ne transgresse pas avec le règlement. Le bus était encore au feu rouge,
prêt à partir, mais pas encore parti. Et ce chauffeur, triste comme si l'on venait de l'opérer de la rate qui le regardait en lui signifiant qu'il ne pouvait pas ouvrir la porte, le règlement
l'interdit, il voit bien qu'il tombe des sceaux, que le gars le regarde d'un oeil suppliant, mais...Il ne peut pas. Et le bus s'éloigne au vert, et Etienne le regarde s'en aller hagard. Mais,
pourtant au fond de lui, il se doutait bien que ce chauffeur, avec sa tête de rien du tout, ne le prendrait pas au vol. Puisque le suivant est dans 20mn , autant marcher un peu, puis, qu'importe
si le temps est mauvais, il suivra avec son humeur. Il rumine en déambulant, sur cette journée, cette prise de bec avec jocelyne, la nouvelle secrétaire de direction originaire de Lens et qui ne
supporte pas tout ce qui est immatriculé 5-9! C'était à propos des rapports de chiffre d'affaire qu'il n'avait pas rendu avant ; en effet, il faut les compiler pour la réunion de l'après-midi du
Comité de Direction de la boite. Comme cela prend un bon 6h bien tassé, si tu ne l'as pas bossé un peu avant chez toi le dimanche, tu es certain d'être hors créneau. Il était hors créneau,
ayant préféré une ballade en forêt, au dessus de Lille, et ayant perdu du temps en écoutant son i-pode sur un banc en écrivant encore une de ces satanées poésies tristes et plaintives, comme il
en a écrit des centaines depuis le début de sa fin à lui, ce fameux jour où sa vie a foutue le camps. Puis cet e-mail reçu d'un compte Hotmail qu'il ne connaissait pas
indiquant, la semaine dernière sur son mail pro : " Catherine ne s'est pas volatilisée il y a deux ans".......
Cet e-mail l'avait plongé à nouveau, et dans l'incompréhension, et dans cet éternel chagrin qui l'habitait depuis ces deux années. Sa vie se résumait depuis lors à son unique travail, et son site
internet, mausolée poétique dédié à sa belle disparue....
Et la pluie redoublait d'intensité, comme synchronisée sur sa peine qui gonflait.
Deux ans qu'il essayait d'oublier à grands coups de Lexomils, d' Atarax....
Deux ans, et ce mail inconnu...
Rentrer. Vite rentrer et écrire. Contre le mal on a rien inventé de mieux, et grâce à cela rien ne meurt jamais! Du moins pas intégralement.